Quand je suis arrivée à la Baie-James, j’avais pour mission d’animer des ateliers de cuisines communautaires avec les enfants de l’école primaire. Personnellement, j’avais vraiment envie d’en apprendre plus sur la culture crie. J’ai donc décidé d’intégrer la viande de chasse traditionnelle dans tous ces beaux moments. Très, très rapidement, j’ai réalisé à quel point j’en savais si peu sur les techniques en lien avec ce type de mets! En deux temps, trois mouvements, les élèves avec lesquels je travaillais dépeçaient les (très) larges morceaux d’orignal que je leur apportais de l’endroit dans la communauté où l’on pouvait aller chercher de la viande gratuitement.
Hop! Les plus jeunes maniaient avec sagesse les grands couteaux et coupaient avec une telle facilité de larges morceaux d’orignaux. Vlan! D’autres petits vidaient en quelques minutes les entrailles de plusieurs oies pour en faire un délicieux ragoût! L’expérience était tellement enrichissante pour moi qui n’avais jamais vraiment appris à dépecer de A à Z une prise!
Une fois, en allant chercher un morceau de viande pour la semaine, il ne restait plus d’orignal. Ne sachant pas trop quoi faire, étant donné que c’était devenu ma viande de prédilection, un homme m’a tout simplement dit : «Prends le castor, alors!»
«Eh, quoi, le castor?», ai-je répondu. Oui, j’étais loin de savoir que le castor se mangeait et je savais encore moins comment l’apprêter. Pendant des semaines, le castor congelé est resté dans le congélateur de l’école, j’étais vraiment intimidée à l’idée de le cuire! Surtout, j’étais loin de savoir comment faire. J’ai commencé à demander à des connaissances de la communauté, afin de savoir comment m’y prendre. Toutes m’ont répondu que ce n’est pas le genre de plat qui se prépare dans une cuisine d’école! On m’a conseillé d’aller au teepee communautaire et d’inviter des aînés pour me le montrer, le tout en compagnie des enfants. Honnêtement, étant une nouvelle personne dans la communauté, je ne savais pas par où commencer. Comment respectueusement inviter des aînés que je ne connais pas? Comment les trouver?
Une semaine plus tard, j’étais sur la route d’accès de la communauté de Waskaganish, et j’ai fait une crevaison. Rapidement, j’ai appelé quelqu’un du village et on est tout de suite venu m’aider. J’étais tellement nerveuse de causer du désagrément à mes collègues! Personne n’a eu l’air dérangé et on m’a tout de suite amené à la fête communautaire où l’on mangeait justement… du castor! J’ai pu alors goûter et surtout poser toutes les questions dont j’avais besoin pour organiser l’atelier qui s’est révélé être pour moi un de mes plus beaux moments de ma vie!
La leçon de cette histoire? Manger local à la Baie-James est rempli non seulement de goûts différents, mais surtout et principalement de partage avec des gens extraordinaires. En mangeant de l’orignal, du lagopède et du castor, j’ai l’impression de voyager tout autant que si j’étais aux confins d’un pays lointain. La clé? Créer des relations, être prête à apprendre et surtout écouter les richesses que les gens ont à partager.