Je regarde l’écran. Soupir et découragement. Encore une fois cette année, les activités de plein air s’annoncent achalandées. Je regarde la Gaspésie à reculons: il reste encore des hébergements libres, mais si peu, ce qui signifie que tant a déjà été réservé. Le tourisme de masse dans nos propres oasis de paix, ouf pas facile! Et puis, pendant 2 minutes, je prends du recul. Et si je prenais le problème à l’envers? Et si cet engouement pour le plein air était une bonne chose? Qu’il permettait, à long terme, de protéger ces endroits? Et si, en fait, ce n’est pas qu’il y avait trop de monde en plein air, mais bien qu’il n’y avait plus assez d’espaces en nature? Et si on en avait trop détruit par le passé, ne serait-ce pas une bonne chose que les gens s’intéressent à ces lieux afin de plus tard vouloir les préserver?
Loin de vouloir me faire lancer des tomates, ce texte se veut une piste de réflexion. L’idée n’est pas non plus de partir un débat. Simplement des pistes de réflexion. Des réflexions qu’on devrait tous finir par avoir. Voici quelques idées pour préserver cette nature et réfléchir face à ce tourisme de masse.
- L’avantage du travail maintenant en hybride ou en télétravail est qu’une flexibilité d’horaire est maintenant plus accessible. Au lieu de sortir majoritairement la fin de semaine, en même temps que tout le monde qui a le même horaire, il est possible de finir plus tôt, de s’offrir un hike avant la fin de soirée ou, au contraire, de débuter la journée du bon pied en se permettant une ride de vélo avant de commencer à travailler. L’étalage d’achalandage dans un milieu naturel est une façon de préserver ce milieu. Trop de gens en même temps peut détruire ou abîmer certains lieux.
- Être fier de payer pour une passe ou un droit d’accès. Par chez moi, le Parc du Mont-Wright, qui est rendu trop populaire, sera désormais payant. Certains ont crié au scandale, mais, avant de s’indigner, je pense que le fait de payer permet d’investir l’argent dans un meilleur entretien et dans une meilleure préservation. De plus, cela diminuera certainement l’achalandage. Cette mesure donne l’impression qu’on prive des gens avec moins de moyens de faire du plein air? Bien d’accord! Il ne restera plus qu’à mettre en place un programme pour aider les gens plus démunis à y avoir accès. Pour toi, un café Starbuck dans le mois pourra être remplacé par ce droit d’accès. Simple comme cela!
- Être discret. Encore dans mon coin, pris entre deux quartiers, un bois abrite des chevreuils qui sont prisonniers dans cet espace entouré de routes en béton. Des retraités ont décidé de créer des sentiers, mettre en place des mangeoires pour les oiseaux, aider les chevreuils à se nourrir et installer des aires de repos. Ils sont contents du nombre croissant de résidents qui viennent s’y promener, mais désirent maintenir l’équilibre. Le fait d’avoir plus de gens sera un argument de poids si jamais la ville décide un jour de vouloir construire une route sur ce large boisé (qui appartient à la ville et non à ces retraités). Mais, le désir est que cela reste un lieu de paix pour les résidents à proximité, et non le prochain spot populaire de selfies avec chevreuils d’Instagram. Donc, c’est peu connu (et ce n’est pas moi aujourd’hui qui vous dira où c’est). Les modes sur les réseaux sociaux sont les pires choses pouvant créer un achalandage monstre qui n’aide pas à la préservation. Tu veux quand même publier ta photo? Au lieu d’ajouter ta localisation, le lieu “I protect nature” signifie que tu ne désires pas divulguer le lieu de ta photo et ainsi éviter de créer une surpopularité dans un lieu. Bon, si tu le mets pour l’Acropole des Draveurs, on va tous reconnaître le lieu, mais pour les lieux moins connus, c’est intéressant!
- Pratiquer le sans trace et, avec bienveillance, sensibiliser. Au lieu de pointer du doigt, il y a une manière d’informer les gens sur certains enjeux qu’ils ne connaissent peut-être pas. Est-ce vraiment un endroit pour faire un feu? L’indice de feu le permettait-il aujourd’hui? Une pelure de banane, même compostable, devrait être ramenée et déposée au bon endroit. Un animal a déjà l’air socialisé? Ce n’est pas une raison pour la nourrir et encourager ce comportement. Bref, il y a une foule d’articles sur le sujet déjà. Soyez agents de changements et non moralisateurs. Bienveillance!
- L’offre répond à la demande. La phrase «Acheter c’est voter» prend tout son sens. Plus les gens se déplaceront à vélo, moins l’argent sera mis sur une troisième voie d’autoroute. Plus les gens investiront dans du plein air à la place des cossins inutiles dans les magasins, plus l’argent ira dans la restauration de ces lieux au lieu d’aller dans l’ajout d’une aire de parking supplémentaire au centre d’achat du coin. Plus les gens utiliseront ces lieux, plus ils seront préservés au lieu d’être remplacés. Une forêt de béton, c’est si déprimant.
Mes propos semblent radicaux? Peut-être. Tant mieux. Le but est de se sensibiliser, collectivement, à cette réalité. Les enjeux du plein air ne sont pas à prendre avec des gants blancs, car après tout, on manque de temps (moment Greta Thunberg totalement assumé ici).
Profitez bien de cet été pour à la fois apprécier la beauté de Québec, mais aussi pour vous conscientiser. Tant de beauté nous entoure, il faut la protéger.
Bravo !
Je dirais même : Comportez-vous comme des animaux plus souvent… eux au moins ne salissent pas la nature 😉
Super bon texte ! Pour moi, il y a rien de radicale là-dedans. Simplement une femme fière de ces opinions.
Seul point qui me ”bogue”, être fière de payer pour un sentier. Je dirais peut-être plus être conscient de notre privilège de pouvoir payer. Pour certaines personnes, c’est plus qu’une question de starbuck et les programmes pour gens plus démunis, c’est pas vraiment fréquent. Donc les gens pauvres iront à d’autres lieux.