Voici le nouveau portrait de Femme-Nature. Une série qui porte sur le parcours de femmes inspirantes pour qui la nature occupe une place privilégiée au quotidien.
Calme et discrète, Julia n’en est pas moins une fonceuse à la détermination surprenante. Au fil du temps, trois constantes inébranlables modèlent ses choix de vie : les bienfaits de la nature dans le quotidien, une soif de dépassement dans ses activités, l’exigence d’une vie bien remplie. Mais sous cette armure d’aventurière prête à tous les défis, cohabitent également incertitude, urgence et sensibilité.
Naissance d’une Femme-Nature
Originaire de la région parisienne, Julia Vigo grandit dans une famille très sportive, mais c’est en s’installant au Canada qu’elle tombe à pieds joints dans le plein air. Invitée à une porte-ouverte dans une salle de Montréal, elle découvre l’escalade par hasard et en devient immédiatement mordue. S’en suit la tournée des spots de grimpe, le camping au pied des parois, la communauté vibrante du plein air, canot, vélo de montagne, ski de rando, course à pied, longues randonnées… Elle se passionne, s’entraîne 4/5 fois semaine et comprend que c’est ainsi qu’elle se sent pleinement nourrie.
Est-ce pour le plein air que tu as quitté Montréal pour Les Laurentides ?
Oui, on voulait aller en nature, mon chum et moi. Et finalement c’est génial ici à Val-David. Courir au parc au lever de soleil, c’est magnifique ! On fait du vélo sur le Petit Train du Nord ou le long des lacs…On se sent en vacances depuis qu’on a déménagé. C’est fou le bien-être que ça t’apporte d’être aussi proche de la nature. Pour moi, ça a tout changé.
Quel est ton rapport au plein air ?
J’ai toujours été admirative des sportifs qui font des choses extraordinaires que je ne ferais jamais ! À mon échelle, je m’évalue sur ce que je fais. Et j’ai l’impression que si je ne me dépasse pas, je ne vaux pas grand-chose ! C’est un peu fou à dire, j’essaie de travailler là-dessus et me persuader que je vaux quelque chose même sans faire des trucs incroyables.
Pourtant, toi aussi, tu fais des exploits qui ne sont pas à la portée de tous…
Avec Attitude Montagne, je suis partie au Mexique en voyage d’alpinisme et j’ai réussi les 2 sommets, dont un à 5600m. C’était vraiment pas facile. Après ça je pensais tellement Oh mon Dieu, j’ai fait des exploits, c’est incroyable ! (Rire) Puis je me compare à ceux qui font le K2 ou des 5.13 à Yosemite en escalade et ça contrebalance !
À l’inverse, le regard que me portent certains amis qui sont impressionnés par ce que je fais, me permet de niveler mon opinion, de me réconforter. J’essaye de trouver la ligne entre plaisir et performance.
Comment expliques-tu cette nécessité de toujours progresser ?
Je me définis par le dépassement de soi. Si j’ai autant accroché avec l’escalade, c’est parce que ça joue beaucoup avec le mental, le vertige, la prise de risque comme tenter des moves au-dessus de sa dégaine ou prendre des chutes. Et quand je combats cette peur, je me félicite : Wow bravo Julia, bien joué ma fille !
Si je pars pour 5 km de course et que je fatigue à 4, je ne veux pas abandonner. Alors continuer jusqu’à 6 km devient une petite victoire ! Mon bien-être, c’est de me pousser plus loin, plus haut, de persévérer malgré la tête qui dit stop ou la peur qui me stresse… Là, ça remplit ma journée : la vie est belle !
Si je laisse couler, que je reste dans la facilité, je perds mon temps. Dans 20 ans, je veux me souvenir de belles choses et être fière de moi.
Qu’est-ce qui pourrait t’en empêcher ?
Déjà je vieillis ! À 31 ans, j’ai passé le pic de mes capacités physiques qui se situe vers 21/22 ans.
Comme j’ai découvert l’escalade tardivement, j’ai l’impression que c’est une course contre la montre pour progresser le plus vite possible. Parallèlement, je suis des grimpeurs de haut niveau qui ont maintenant 50/60 ans et qui progressent toujours. Je sais que je ne devrais pas avoir cette réflexion.
Autant je suis quelqu’un de très optimiste dans toutes les situations, autant j’ai une grande peur de ne plus pouvoir faire ce qui me permet de m’accomplir dans la vie.
Si je veux avoir un enfant, il faudrait pas trop tarder, mais égoïstement, je veux pouvoir continuer mes activités, me pousser et ne pas devoir penser à quelqu’un d’autre. J’imagine que ça va être difficile sur mon corps, que je vais perdre 2 ans de ma vie à me remettre de ça. Pourtant, là aussi, je vois des femmes qui réussissent à combiner les deux, à partager avec leur enfant et continuer le plein air. J’ai espoir, mais j’ai peur de tomber dans la plénitude de la maternité alors que je veux vivre des aventures de folie !
Tu fais de superbes photos pendant tes escapades, que cherches-tu à travers cet art ?
Les photos que je trouve les plus poignantes sont celles d’un paysage dans toute sa grandeur et sa splendeur avec un humain tout petit au milieu. Peu importe que ce soit dans une activité dangereuse ou tranquille, j’aime retranscrire l’émotion qui se dégage devant la beauté et la puissance de la nature face à l’humain qui se fraye son chemin.
Considères-tu aujourd’hui que tu es une femme-nature à sa place ?
Ah totalement oui ! J’étais vraiment stressée au début , j’avais toujours vécu en ville, j’étais comme en panique…
Mais après quelques semaines, je me suis senti tellement bien ici, le village est vivant, les gens adorables… J’ai tout.
Juste marcher ou courir sur le parc linéaire, être prêts des arbres, et des animaux, voir la nature depuis ma fenêtre tous les jours en travaillant, ça m’apaise à un point que je n’aurais jamais imaginé.
Pourtant on était très bien à Montréal, mais je ne m’attendais pas à ce qu’on puisse être aussi bien !