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La pêche blanche sur le fjord du Saguenay

Je devais avoir 6 ou 7 ans lorsque j’ai goûté pour la première fois au plaisir de la pêche blanche. C’était à la pêche à l’éperlan dans une petite cabane construite par mon père et installée dès l’hiver venu sur les glaces d’une rivière près de chez nous. Pendant de nombreux hivers, j’ai pêché à la lumière du fanal, canne à pêche faite maison en main, de nombreux éperlans plus que délicieux une fois frits à la poêle.

Vers 11 ou 12 ans, mon expérience de la pêche blanche s’est enrichie : la loi autorisait maintenant la pêche à la truite sur certains lacs en hiver. En famille et entre amis, j’ai passé de belles journées à surveiller les brimbales disposées dans les trous percés dans la glace, en attente du mouvement annonciateur d’une prise. Ces journées au grand air s’accompagnaient invariablement d’un dîner-sandwich qu’on faisait griller sur un feu de camp monté sur des billots de bois posés directement sur la glace. Pur plaisir !

Vue sur le fjord, en direction de Tadoussac.

Au début de la vingtaine, j’ai fait la découverte d’un nouveau type de pêche blanche, celle sur le fjord du Saguenay. Depuis, cette activité hivernale que je partage avec mon partenaire de vie est devenue une véritable passion. Pêcher sur le fjord du Saguenay en hiver est une expérience en soi même pour ceux que la pêche laisse indifférents. Par où commencer pour vous l’expliquer…

Cours 101 de pêche blanche sur le fjord

Tout d’abord, la pêche sur le fjord se fait principalement dans des cabanes à pêche. Ces dernières, de tailles, couleurs et formes variées, sont installées vers la mi-janvier (dans une grande frénésie!) lorsque la glace fait plus de 12 pouces d’épaisseur. La saison de pêche, dictée par Pêches et Océan Canada, a généralement lieu du 12 janvier au 10 mars. Plusieurs villages de pêche blanche s’installent sur le fjord à cette époque : les plus gros sont ceux de l’Anse-à-Benjamin et de Grande-Baie, à La Baie, qui comptent près de 1200 cabanes. De plus petits villages se créent également à Saint-Fulgence, Sainte-Rose-du-Nord et l’Anse-St-Jean, le tout formant une véritable communauté de pêcheurs passionnés !

Une partie du village de pêche blanche de Ste-Rose-du-Nord.

Les cabanes à pêche

Revenons-en aux cabanes : Ce qui en étonne habituellement plus d’un, c’est que nos cabanes sont construites avec des trappes au sol qui permettent, une fois installées, de percer des trous directement dans la glace pour pêcher confortablement à la chaleur. La majorité des cabanes est aménagée afin de permettre aux pêcheurs d’y passer la nuit. Table, armoires, divan et toilette sèche complètent le mobilier, sans oublier le chauffage. Annexe à l’huile, convecteur au propane ou poêle à bois chauffent nos cabanes. Les températures sur le fjord étant parfois assez extrêmes – il n’est pas rare de connaître des journées sous la barre des 30 degrés Celsius et des vents tellement forts qu’on ne voit plus à 3 mètres devant soi – qu’il est essentiel d’avoir un bon chauffage. Il y a aussi des journées où le soleil brille bien haut dans le ciel nous permettant d’admirer sans jamais s’en lasser le panorama exceptionnel du fjord.

Ma cabane à pêche.

Ok, mais qu’est-ce qu’on pêche ?

Le fjord du Saguenay, tout comme le fleuve St-Laurent, est riche d’une biodiversité aussi étonnante que méconnue. De très nombreuses espèces habitent les profondeurs abyssales du fjord, même le requin du Groenland vient y faire son tour ! Du côté des pêcheurs, les espèces recherchées sont principalement la morue de l’Atlantique, le turbot et le sébaste, trois poissons de forme, taille, couleur et saveur complètement différentes. La raie épineuse (sachez qu’elle porte très bien son nom!), interdite de pêche depuis quelques années, est aussi régulièrement prise sur les lignes et remise à l’eau. Le quota de pêche est simple : cinq poissons de fonds par pêcheur par jour et aucun permis nécessaire.

Deux morues de l’Atlantique pêchées dans la cabane.

Ces poissons, particulièrement le turbot, aiment se tenir en profondeur. Pour les pêcher, il faut avoir du bras, car les lignes à pêche peuvent facilement descendre à près de 200 mètres sous l’eau… Il faut près de 10 minutes pour que les appâts atteignent le fond et au moins la moitié de ce temps pour remonter le tout une fois qu’on a une prise. Si la pêche est bonne, l’activité se transforme rapidement en exercice de musculation intensif! Toute une gamme de matériel spécifique à la pêche sur le fjord existe, notamment de petites cannes à pêche dotées de gros moulinets, essentiels pour y loger tout le fil nécessaire pour atteindre le fond!

« Pied de glace » à marée basse. Il s’agit d’une bande de glace attachée à la rive
qui se forme avec le cycle des marées par très basses températures. À marée haute, il
disparaît presque complètement.

De la pêche oui, mais aussi tellement plus !

Si pour nous, pêcheurs, la pêche sur le fjord est extraordinaire en raison de la diversité des prises, de la taille des poissons et de l’effort physique que cela exige pour les remonter à la surface, la pêche sur le fjord est pour moi encore bien plus que ça ! C’est un contact direct avec la nature et la possibilité d’admirer des paysages incroyables. C’est une façon d’apprécier l’hiver dans toute sa beauté, sa richesse et sa rigueur. C’est aussi le plaisir de vivre comme en camping et de rapporter à la maison du bon poisson frais.

Un turbot pêché à l’extérieur

La pêche blanche sur le fjord, c’est une vie de village recréée sur la glace, la visite des amis, le rythme des marées qui remplace celui de l’horloge. C’est aussi le meilleur endroit pour oublier complètement les soucis et les responsabilités du quotidien, quelque part perdu dans la beauté hivernale du fjord.


Par Marie-Ève

Marie-Eve Theberge

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