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L’exploration enivrante du cratère Manicouagan

Le cratère Manicouagan, l’œil du Québec, le cercle parfait qu’on voit sur la Côte-Nord quand on regarde une carte de la province. J’ai vu ce paysage grandiose pour la première fois au sommet du mont Provencher quand j’ai fait la traversée des monts Uapishka (Groulx) il y a quelques années. J’étais fascinée par l’immensité de cette mer intérieure et par la beauté de ses îles, où se couchait le soleil ce soir-là.

Carte du cratère Manicouagan
L’œil du Québec, formé par une météorite qui a frappé la terre à cet endroit il y a des milliers d’années

L’idée d’explorer ce territoire en expédition d’hiver est née quelques mois plus tard. Avec des skis, une tente, un partenaire d’expédition expérimenté et tout ce qu’il me fallait pour survivre pendant deux semaines dans la grande nature sauvage, cette idée est devenue un projet prêt à être concrétiser. C’était un projet à la limite de mes capacités et de ma zone de confort; une parfaite opportunité de me dépasser et d’apprendre.

J’ai passé plusieurs mois à m’entraîner, à préparer le matériel et la logistique et à déshydrater ma propre nourriture pour l’expédition. Dix jours avant le départ, mon partenaire d’expédition m’a annoncé qu’il ne viendrait pas. Qu’à cela ne tienne, j’ai décidé de tenter l’expérience en solo. Le jour du départ est arrivé et je me sentais prête à partir pour l’aventure. Par contre, la route entre Baie-Comeau et la station Uapishka (lieu de mon départ sur le cratère) s’est déroulée sous la pluie et dans la boue sur la section non pavée. La température était anormalement chaude en ce mois de mars, comme partout ailleurs au Québec cet hiver-là. 

Le grand départ

Je suis partie sur le cratère le lendemain en après-midi sous un ciel gris avec plein d’inquiétudes : des températures trop chaudes pour le temps de l’année, la pluie tombée la veille, de la glace, les craquements et les crevasses, d’avoir trop froid en camping, etc. J’ai monté la tente sur l’île, à 5 km de mon point de départ, prête à revenir le lendemain si ça n’allait pas. 

Neige durcie et crevasse sur le cratère Manicouagan, Côte-Nord
La surface de la glace est très variable avec de la neige durcie, des crevasses et de la slush

Puis le lendemain, comme tout allait bien et qu’il faisait beau, je suis partie vers le nord, entre les îles, pour explorer. J’étais sereine et curieuse. Ça avançait bien sur la glace et la neige croûtée. J’ai fait environ 12 km, distance que je trouvais raisonnable pour ma première journée complète de ski en tirant un traîneau. Je comptais augmenter le nombre de kilomètres parcourus de jour en jour, à mesure que mon corps s’adaptait à l’effort et le temps que la routine du campement devienne fluide. Pendant la nuit, j’ai entendu un craquement sourd qui m’a réveillée. J’ai constaté le lendemain matin qu’une nouvelle crevasse s’était formée près du bord, à quelques mètres de ma tente. Heureusement, je dormais sur la berge!

Crevasse près de la berge du cratère Manicouagan, Côte-Nord
Une crevasse qui s’est formée pendant la nuit à quelques mètres de la berge

Le troisième jour, rassurée par rapport à mes inquiétudes du départ et enthousiaste pour l’aventure que j’étais entrain de vivre, j’ai passé le cap au nord perdant ainsi de vue la baie de mon départ. Ce jour-là, j’ai vu des traces de loups et je les ai entendus hurler au loin le soir avant de m’endormir dans la tente. Ce territoire est chez eux et je m’invitais humblement en ces lieux. J’étais au cœur de la Boréalie et j’étais ravie. 

Les défis

Le quatrième jour, la neige s’est mise à tomber en abondance. Elle s’accumulait rapidement car il n’y avait pas de vent. J’avançais avec appréhension car je ne voyais plus les craques, fissures et crevasses cachées sous la neige. Je longeais donc la berge pour pouvoir l’atteindre rapidement en cas de pépin.

Un skieur avec son traîneau sur la glace, cratère Manicouagan, Côte-Nord
Je profite d’une accalmie de neige pour prendre quelques images

Le cinquième jour, la neige continuait de s’accumuler. Une neige lourde et mouillée qui collait sous mes skis et les skis de mon traîneau. La progression était très lente et difficile. Après mes courtes pauses pour boire et manger, je devais m’élancer vers l’avant et presser tout mon poids dans le harnais à plusieurs reprises pour déloger mon traineau de la neige lourde et initier un mouvement. Dans ces conditions, je n’arrivais qu’à faire 10 km dans la journée malgré mes efforts assidus. La neige continuait à tomber la nuit et se transformait en slush en glissant sur ma tente.

Le sixième jour, j’ai chaussé mes raquettes plutôt que mes skis. C’était plus facile d’avancer dans la neige profonde et pour la traction du traîneau que je trouvais très lourd. Le vent s’est levé tout en puissance. J’avançais souvent avec les yeux sur l’azimut de ma boussole dans le blizzard lors des bourrasques. J’avais le vent dans le dos le matin, mais il a tourné pendant que je mangeais ma soupe du midi. Considérant que je n’avais fait que le quart du tour du cratère en 6 jours et qu’il me restait 8 jours de nourriture avec moi, j’ai décidé de rebrousser chemin. La neige profonde et collante ainsi que le fort vent de face rendaient ma progression trop lente pour faire le tour du cratère. J’étais en paix avec cette décision car je ne suis pas dans un esprit de performance, mais plutôt de rencontre de l’inconnu afin de repousser mes propres limites. J’étais déjà fière de ce que j’avais accompli avec les conditions du moment et je priorisais la sécurité. Ce soir-là, j’ai monté ma tente parmi les épinettes sur la berge pour tenter de me protéger du vent de 50 km/h. 

Campement, cratère Manicouagan, Côte-Nord
Mon campement partiellement à l’abri du vent

Le septième jour, j’ai décidé de rester au campement le temps que la tempête passe. La météo annonçait un temps calme, froid et ensoleillé deux jours plus tard. Je reprendrais donc le chemin lorsque cette belle fenêtre météo arriverait. Après tout, puisque j’avais rebroussé chemin, j’avais le temps. J’ai profité de cette journée de repos pour faire des siestes, manger et écrire dans mon carnet d’aventures.

L’aventure tire à sa fin

Le huitième jour, il faisait encore tempête et la température avait chuté à – 25 °C. Tout mon équipement humide était gelé. J’étais à l’abri dans ma tente, et au chaud avec mes vêtements en duvet, mon sac de couchage et les Hot Poc. En après-midi, j’ai accepté avec joie de me faire ramener par des motoneigistes qui passaient près de mon campement. Ce soir-là, j’ai tellement apprécié la douche chaude et la chaleur du poêle à bois!

Ce fut une merveilleuse exploration de la section nord du cratère Manicouagan. Je n’aurai peut-être pas fait le tour cette fois-ci, mais j’aurai repoussé mes propres limites et je serai revenue plus forte de cette expérience!

Femme souriante l'hiver en selfie avec ses skis sur le cratère Manicouagan, Côte-Nord
Une selfie avec le soleil d’hiver aveuglant

Je planifie déjà y retourner pour découvrir davantage ce magnifique territoire. Ma détermination à en faire le tour un jour est encore bien vivante pour le plaisir de l’aventure, pour vivre dans les éléments et apprécier la nature qui m’entoure. Quelle chance de pouvoir explorer cet endroit unique au Québec. Un grand merci à tous ceux et celles qui m’ont encouragée dans cette aventure.

Femme en skis avec son traîneau avec ciel bleu, cratère Manicouagan, Côte-Nord
À très bientôt, cratère Manicouagan!

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