Le vent
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Sur les Îles-de-la-Madeleine il vente beaucoup, tout le temps et c’est exquis. Difficile de refuser une bouffée d’air frais plein les poumons à tous les jours, il suffit simplement d’accepter tes cheveux ébouriffés. Quand il fait froid, c’est encore mieux, on se retrouve avec cette splendide coiffure que j’aime appeler cheveux de sel sales remplis de nœuds écrasés par ma tuque que j’ai mise parce que j’avais froid. Ces jours-là, peu importe où l’on marche, le sable nous fouette les jambes et l’air nous fait mal au visage. Dans ce cas, il vaut mieux rentrer au chaud.
Maison à louer typique : grande-maison-vert-pomme-avec-vue-sur-mer-tout-près-de-la-plage, laveuse/sécheuse et wifi inclus. À l’étage, on retrouve quatre chambres, une pour chaque point cardinal et une toute petite salle de bain. La douche couine, ou plutôt elle crie, ça fait son charme. Au rez-de-chaussée, il y a une salle à manger avec-vue-sur-mer, un salon meublé d’une télévision et de deux divans en corduroy rose et vert et la cuisine dans laquelle il fait chaud seulement une fois le four allumé. Il y a aussi une pièce sans porte, où l’on retrouve un futon, une télévision, un lavabo et une toilette (quoi?). Si on tend l’oreille, on peut entendre la mer, mais c’est surtout le vent qu’on entend : celui qui nous rassemble à l’intérieur et qui fait grincer les murs, les planchers, le toit et ma brosse à cheveux qui essaie de démêler mes nœuds…
crédit photo : Alphiya Joncas
Que faire? Devenir maître du Scrabble? Oui, mais ça on peut le faire n’importe où. Je conseille de commencer par apprivoiser une chanson de Suroît, de Bertrand Déraspe ou de Georges Langford tout en concoctant un délicieux, quoique dispendieux, mac n’ cheese au homard avec bière et fromage des Îles. Dans le fond, l’important vraiment, c’est de profiter de la chaleur intérieure pour créer un chez-soi aussi éphémère qu’il soit. C’est de voir tous ces visages qu’on aime, ensemble et heureux, poussés à l’intérieur par ce même vent qui a sans doute poussé les Îles-de-la-Madeleine à se rassembler il y a longtemps au milieu du Golfe du Saint-Laurent.
C’est d’ailleurs une envie irrésistible de me faire fouetter le visage par l’air salin qui me donne un goût des Îles ce soir et je me surprends à m’imaginer que le vent d’ici me pousse toujours un peu vers elles.
