Le touring : partager un moment ensemble

En mi-février, avec l’aide de mon copain vétéran du ski de touring, j’ai introduit mon père à son nouveau sport préféré. La semaine suivante, j’ai eu la chance d’ajouter ma mère à notre expédition. Le ski de touring, un sport qui monte en popularité en ce moment, peut sembler un peu intimidant. Nous sommes allés au Mont Olympia, une montagne qui a récemment aménagé plusieurs pistes à cet effet. Si vous avez la chance de vous y rendre, je vous le conseille fortement; les paysages sont à couper le souffle. De plus, il y en a pour tous les niveaux, de novice à expert.

Bien que la première montée soit toujours un peu difficile, j’avais au final deux parents comblés, impatients de découvrir plus en profondeur ce sport qui rejoignait notre longue histoire d’amour avec le ski alpin.

Mes parents sont déjà très avides de plein air hivernal. On les trouve souvent en raquette la fin de semaine, arpentant les divers parcs que nous avons à notre disposition dans les Laurentides. Ils ont leur petit nid d’amour au bas des pentes du Mont Saint-Sauveur où ils vivent déjà depuis plus de six ans. J’avais confiance vis-à-vis le succès de cette escapade, mais rien n’aurait pu me préparer à la gratitude et au sentiment de comble absolu que cette expérience allait m’apporter.

Voyez-vous, au cours de mon enfance, mes parents ont fait des pieds et des mains afin que je ne manque jamais de rien. J’ai coursé en compétition de ski alpin pendant 10 ans, un sport très dispendieux, alors que mes parents étaient encore aux études et soutenaient notre famille sur des salaires très modestes. J’ai pu, cette année, offrir à mon père des bottes de ski neuves, des Strider de Nordica, pour l’emmener avec moi tourer dans le bois. J’ai pu introduire mes parents à une nouvelle dimension du ski, alors qu’ils n’avaient vu leur sport que d’une seule façon pendant des dizaines d’années.

J’allais tenter de convaincre ma mère qui, au début, était appréhensive, par peur de ne pas être de niveau. C’était ça ma mission. Je ne m’attendais à rien, à part du bon temps, quelques bières et un peu d’effort.

Je venais toutefois de gagner quelque chose sans prix; un moment que j’ai pu partager, une passion que j’ai pu transmettre à ceux qui m’ont tout donné.

J’ai compris que la joie que j’ai ressentie la première fois que je me suis perdue en forêt en touring n’était rien comparativement à celle que je ressentais à ce moment. Voir mes parents fatigués et heureux, curieux, et insouciants des maux du monde, ça a été pour moi un grand baume sur mon cœur. 2020 a été une année difficile pour tous, mais elle a aussi été difficile pour nous. Au printemps, ma mère a perdu son père et, à la fin de l’été, mon père a perdu sa sœur. Nous voguons tous encore sur des relents de deuil, ceux qui nous rattrapent lorsqu’on pense les avoir oubliés. Le touring a été mon antidépresseur, mon échappatoire dans les moments les plus pénibles des deux dernières années. J’ai arrêté de le voir comme un simple sport quand j’ai réalisé que j’avais donné à mes parents, non pas des nouveaux jouets, mais plutôt du bonheur, du vrai, sans filtre et sans sucre ajouté.

Les premiers skis fats de mon père sont commandés, je vais faire essayer mes skis à ma mère et ensuite lui commander les siens. Nous couperons leurs peaux de phoque ensemble, nous nous pratiquerons dans le salon à rentrer dans les satanées fixations à pines (misère), et nous le ferons en riant, en planifiant notre prochaine sortie. J’ai pensé leur en faire un cadeau, mais, en fait, c’est moi qui reçois. Leurs sourires craquants, leur enthousiasme qui déborde, c’est ça le vrai cadeau.