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Mal de terre : c’est ce qui arrive quand on quitte les Îles-de-la-Madeleine. Les visiteurs nous demandent comment on fait ici, pour vivre toujours dans le mouvement. C’est qu’au bout d’un moment, le corps s’adapte au vent. Il s’habitue au va-et-vient des vagues sur l’horizon et aux montées et descentes des dunes et des collines sur la route. Je ne m’en rends plus compte, même que je cherche le plus souvent possible à passer ma journée sur l’eau. Cette année, j’ai saisi une opportunité qui m’a fait tomber en amour avec un des plus beaux métiers du monde : je suis allée à la pêche au homard.

Dix heures sur l’eau, qui passent en un clin d’œil. Le temps s’arrête. La seule chose que l’on compte, c’est le nombre de raveuses* pêchées. C’est le vide dans ma tête, j’en oublie de sourire, j’en oublie de manger. Je suis pourtant tellement bien. La première chose qui m’a frappée, c’est ce regard, dans la pénombre juste avant les 4h du matin. Les yeux du pêcheur, ils ont vu le soleil se lever dans les plus belles couleurs pendant que tout le monde est encore couché. Ils connaissent les courants marins, tandis que les miens ne voient absolument rien. Ils ont connu des tempêtes, des bris de bateaux, des mauvaises pêches, mais ils sont surtout remplis d’étincelles et de fébrilité. Le genre de regard qui te brasse en dedans, comme une grosse vague à laquelle tu ne t’attendais pas vraiment.

C’est drôle de se sentir si près du monde, au beau milieu de nulle part. Notre bateau coupe l’horizon qui sépare l’infini du ciel de l’infini de la mer et pourtant, je me sens directement liée à tous ceux et celles qui seront touchés par ne serait-ce qu’un seul homard pêché. J’ai l’impression d’être retournée aux sources. C’est un peu le même sentiment que de faire son jardin, mais avec la brise d’air salin et les Îles-de-la-Madeleine au loin.

Mon nouveau chez-moi, c’est pas mal la mer qui le construit : pas le choix de développer son pied marin. On dit que les Madelinots ont de l’eau salée dans les veines. Les miennes sont encore bousculées entre des marées d’eau douce et d’eau salée. Je m’ennuie d’ailleurs de mon autre chez-moi aujourd’hui. J’imagine que revenir sur terre une fois de temps en temps, c’est important aussi.

 

* Une raveuse n’est pas une personne qui passe tous ses vendredis soirs dans un rave, mais bien un homard femelle qui porte des œufs dans sa queue. Il est obligatoire de les remettre à l’eau pour assurer la reproduction de l’espèce.

 


 

Par Alissa

 

reviseure

Alissa Brunetti

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